Chirurgie de la cataracte par abaissement du cristallin dans le vitré

Dans l’Égypte antique, l’opération de la cataracte consistait à introduire un stylet en argent dans l’œil sans anesthésie afin de faire basculer le cristallin dans le vitré : la substance gélatineuse qui remplit la cavité oculaire. Le patient recouvrait la vue certes floue mais il voyait quelque chose. Le taux de complications était bien sûr élevé. Cette technique nommée abaissement du cristallin est la technique historique d'opération de la cataracte.

Malgré les innombrables avancées médicales, ce procédé a été utilisé en Occident pendant des siècles. Il l’est encore dans plusieurs pays en voie de développement, où la population pâtit d’un déficit d’accès aux soins.
    
En Europe jusqu'au milieu du 18ème siècle, cette méthode était la seule utilisée et était surtout pratiquée par des barbiers itinérants.
Ce n'est qu'à partir de 1750 que le chirurgien français Jacques Daviel (1693 – 1762) put réaliser la première opération 'moderne', avec une véritable extraction et non pas un abaissement du cristallin comme cela se faisait jusque là.

 

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Opération de la cataracte, extrait de Johann Philipp Schnitzlein, Dissertation (1750)

Apparition d’instruments d’examen et d’exploration

L'ophtalmoscope est un appareil optique permettant d'examiner le fond de l'œil. Sa découverte par Helmholtz date de 1851. Avant cette date, les affections du fond d’œil étaient inobservables. C’est donc à partir de là que l’on a pu observer les anomalies de la rétine. Ce fut donc un temps important dans la compréhension des pathologies oculaires.

 

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Ophtalmoscope

L’ophtalmomètre ou kératomètre est un appareil qui permet la mesure de l'axe et de la puissance de l'astigmatisme par réflexion de mires colorées sur la face antérieure de la cornée. Cette technique, mise au point par Helmholtz, a été simplifiée par Louis Emile JAVAL en 1880 (ophtalmologue et homme politique français, considéré comme le père de l'orthoptie).

 

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L'apparition de la lampe à fente à la fin du 19ème et début 20ème permit d’inspecter la surface oculaire (conjonctive, cornée). Alfred Vogt (1879-1943) fut l'un des précurseurs dans l'étude de la cornée grâce à cet appareil d'examen. Les structure internes de l’œil (cristallin, rétine au fond d’œil) sont également visualisables à la lampe à fente mais l’utilisation d’une lentille additionnelle de forte vergence est nécessaire.
 

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Lampe à fente


De nombreux appareils destinés à l'observation du champ visuel apparaissent au 20ème siècle. Les plus répandus sont les périmètres de Goldmann ou de Friedmann : des coupoles éclairées par une lanterne, comportant un éclairage réglable et un point de fixation du regard du patient. Des tests sont projetés et déplacés. Ces appareils sont particulièrement précieux pour repérer les zones du déficit dans les cas de cécité partielle et de rétrécissement du champ de vision dans la maladie glaucomateuse.

 

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Coupole de champ visuel


Influence de la cataracte sur le travail de Claude Monet

Claude Monet (1840-1926), peintre exceptionnel, a vu sa peinture évoluée avec sa cataracte. Celle-ci a entraîné une nette perturbation de la vision des couleurs. Ainsi on se rend compte que les peintures postérieures ont des teintes qui s'accentuent dans les rouges et les jaunes et que les bleus ont tendance à disparaître. Les détails s'estompent également.

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« Le bassin aux Nymphéas » peint avant et avec cataracte par Monet

Avant son opération la vision était quasi nulle à droite et de 1/10ème à gauche. Malgré son hésitation, il se fit finalement opéré de la cataracte de l’œil droit en 1923 par Dr Coutela.
Les suites de l'intervention furent assez pénibles. Il obtint une bonne vision de près mais moyenne de loin (3 à 4/10ème).
Monet étant déçu et perturbé par la correction optique et la vision de ce côté droit a refusé l'opération de l’œil gauche.

 

Première implantation intra-oculaire par Ridley

En 1949, une avancée décisive fut faite par Sir Harold Ridley à Londres qui s'aperçut qu'on pouvait mettre un cristallin artificiel en plastique (un implant) pour remplacer le cristallin opacifié lors de la chirurgie de la cataracte. Avec les premières implantations, on obtint de nombreuses complications jusqu'à ce que, en 1972, Binkhorst modifie cette lentille et développe un modèle d’implant clippé à l’iris.

 

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Dr. Harold Ridley et un de ses implants explanté à un patient en 1987

Avènement du microscope opératoire

L’avènement du microscope opératoire dans les années 1970 a permis de passer de la chirurgie extra-oculaire à une chirurgie intra-oculaire. Avant l’apparition du microscope opératoire, les chirurgiens utilisaient des loupes et lunettes grossissantes. C’est un progrès prépondérant dans l’évolution de la chirurgie.

 

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Microscope opératoire

Phaco-émulsification

L'américain Charles D. Kelman inventa la phaco-émulsification par ultrasons en 1967. Cette technique permet de fragmenter le cristallin et de ne faire qu'une petite incision (actuellement 2,8 mm à 3 mm). On réalise une extraction du cristallin, en laissant la capsule postérieure qui va maintenir une barrière entre le vitré et le segment antérieur. Cette méthode s’est imposée à la fin des années 1980.

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Vulgarisation de l’implant intra-oculaire

Après l’opération de la cataracte, les patients, non implantés, devaient porter des verres très épais ou des lentilles de contact. Ces verres étaient certes peu esthétiques mais également lourds et limitaient le champ de vision. Les lentilles de contact étaient plus confortables mais il pouvait y avoir des risques d’inflammation et d’infection.
Depuis le début des années 70, les cristallins artificiels implantés ont permis de corriger la vision du patient et ainsi de remplacer les lunettes et lentilles.

 

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Lunettes aphakes


Kératotomie radiaire

La kératotomie radiaire est la première technique opératoire utilisée pour la correction de la myopie. Elle consiste à pratiquer de petites incisions dans la cornée. Elle est dite « radiaire » car les incisions ont une forme d'étoile. Le nombre d'incisions dépend de la gravité de la myopie. Ces incisions induisent un aplatissement central du dôme cornéen, qui en réduit la puissance pour corriger la myopie.

Cette technique était très utilisée dans les années 1980 mais elle a progressivement disparu à partir des années 1990, depuis l'apparition des traitements au laser. La kératotomie radiaire est aujourd’hui abandonnée.

 

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Kératotomie Radiaire


Capsulorhexis

Le capsulorhexis décrit par Thomas Neuhann en 1985 reste l’étape clé de la procédure sécurisée de toute phaco-émulsification. Il permet de poursuivre l’intervention dans de bonnes conditions.

 

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Capsulorhexis

Laser Excimer

Le laser Excimer était d’abord utilisé dans le domaine industriel (gravure de circuits électroniques) et de la recherche. Un premier brevet concernant des applications médicales du rayonnement Excimer fut déposé en 1988.

Un des premiers ophtalmologistes à travailler avec Srinivasan (savant américain employé d’IBM) en vue d’une application en chirurgie oculaire fut le Dr Stephen Trokel, professeur associé d’ophtalmologie à New-York.
La précision d’ablation associée à l’absence de dommages collatéraux permirent le développement ultérieur de techniques de chirurgies réfractives (PKR et LASIK). C’est donc au début des années 1990 que l’on va traiter pour la première fois la cornée au laser.

 

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Laser Excimer

LASIK

Le LASIK, intervention chirurgicale à visée réfractive, a été mis au point par José I. Barraquer, un ophtalmologiste colombien. Cette technique consistant en un remodelage de la cornée grâce au laser Excimer, après découpe d’un volet cornéen, est réalisée depuis 1989.
Il s'agit d'une technique alternative à la Photo-Kératectomie Réfractive (PKR) : contrairement au LASIK, aucun volet cornéen n'est découpé, seul l'épithélium cornéen est retiré avant photoablation au laser Excimer.

 

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Action du laser après découpe du volet

DMLA et traitements

Il existe deux formes de DMLA :
La DMLA atrophique dite sèche
La DMLA exsudative dite humide

La forme sèche correspond à une atrophie de la macula. Il n’existe que des traitements préventifs. Son évolution est lente.

La forme humide correspond à l’apparition de néovaisseaux choroïdiens (vaisseaux anormaux). L’évolution est plus rapide que dans les formes sèches.

Le traitement de référence des néovaisseaux entre 2000 et 2006 est la PDT c’est-à-dire la thérapie photodynamique (injection d'un produit photosensibilisant dans une veine du bras, activé par un laser dénué d'effet thermique). Elle permet de ralentir l’évolution de la maladie.

En 2006 sont apparus les médicaments anti-VEGF. Ils sont aujourd’hui le traitement de référence des néovaisseaux. Dans le DMLA exsudative, le VEGF est fabriqué en excès dans l’œil ce qui provoque la croissance de néovaisseaux. Les anti-VEGF permettent de stopper l’évolution. Les anti-VEGF sont administrés par injections intra-oculaires.

Les études récentes montrent que l'injection d'anti-VEGF est plus efficace que la PDT (efficacité = 95%).

 

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Injection intra-vitréenne


Laser Femtoseconde

Jusqu'au début des années 2000, le moyen le plus courant de découpe du volet cornéen est le microkératome. Cette première phase peut maintenant être réalisée par le laser Femtoseconde dont l’usage se répand depuis 2004.

Le laser Femtoseconde permet à présent une opération 100 % laser :
Le laser Femtoseconde permet de découper le volet cornéen
Puis le laser Excimer réalise la photoablation

Le laser fut développé par le physicien hongrois Tibor Juhasz. Dès 1999 la FDA américaine permit l'utilisation de ce laser en remplacement des microkératomes habituels.
Le laser Femtoseconde joue également un rôle dans la chirurgie réfractive du cristallin : il permet de réaliser les incisions cornéennes, le capsulorhexis et la fragmentation du cristallin.

 

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Laser Femtoseconde

 

 


Plus d’informations sur le site SNOF : http://www.snof.org/encyclopedie/rubrique/oeil-et-histoire